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jamais su de quoi il était mort ; un enfant de quatre mois, on n’y fait pas plus d’attention dans les villages de chez nous qu’à une mouche qui tombe de la vitre à la gelée. On l’enterre au cimetière sans savoir seulement son nom.

« Je restai seule, seule, seule, avec le lit vide de Jean et le berceau vide de mon enfant à la maison. Ah ! que les jours me paraissaient longs et les nuits sans fin !


CLXIV


« Et puis je me disais : « Ce pauvre Jean ! qui croit qu’à son retour il va trouver son enfant tant désiré pour lui sourire enfin dans mes bras ! Que va-t-il dire ? Il croira que c’est ma faute ! il ne m’aimera peut-être plus du tout quand il me reverra les mains vides ! Et puis, ce pauvre petit de la mère Maraude, si je cesse de le nourrir, je n’aurai plus de lait ! il se desséchera de nouveau comme une herbe sans source. Je l’aimais tant après le mien ! comment ferai-je pour me consoler de deux, moi qui ne puis pas me consoler d’un ! » Et je continuais, malgré mon chagrin, à aller tout le jour, en cachette, allaiter et caresser tristement ce pauvre petit.


CLXV


« Le moment du retour ordinaire de Jean approcha ; il me vint une idée que je ne pouvais plus chasser, comme un mauvais rêve. Ce rêve finit par s’emparer tellement de moi, que je devins folle pour ainsi dire et que je ne pensai