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CLIV


« Jean s’en allait l’hiver et revenait l’été. Je soignais sa mère et les vaches en son absence. Nous étions bien heureuses quand il remontait des plaines. Nous fûmes longtemps sans avoir d’enfant. Enfin, au bout de trois ans et demi, et un an seulement après la mort de sa mère, je devins enceinte. Jean fit venir et me laissa à la maison une sage-femme de bien loin pour me délivrer en son absence. J’accouchai pendant que mon mari était à faire son tour de Savoie. Ah ! le bel enfant que je nourrissais toute seule à la maison quand la sage-femme fut partie, et comme je me faisais fête de le montrer à Jean, qui désirait tant un garçon pour l’aider dans son état, et pour aller rapiécer à sa place quand il voudrait ne plus me quitter au domaine !


CLV


« Il faut donc vous dire, monsieur, que le domaine que nous appelons le Gros-Soyer (c’est un arbre qui a de la moelle dans le bois, et avec lequel les enfants font des sifflets), que le domaine du Gros-Soyer est situé bien haut, bien haut, et bien loin de toute paroisse. La maison est toute seule, sur le bord d’une large ravine au fond de laquelle coule une gouttière qu’on voit briller çà et là à travers les feuillages qui la couvrent. Des sapins, des hêtres, des houx et des érables poussent sur les deux côtés de la