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que d’une seule idée et d’un seul sentiment, la répercussion continue d’un seul être aimé sur le cœur ! Régina dédoublait dans sa pensée son amie pour l’aimer davantage en aimant son frère dans elle, et elle encore dans ce frère absent ! Je n’aurais jamais cru à ce phénomène qui dédouble et double l’être aimé, et je l’aurais pris pour une conception imaginaire de poëte, si je ne l’avais pas vu de mes yeux dans l’âme de Régina.


XX


Deux années s’écoulèrent ainsi pour les deux compagnes de solitude sans varier en rien leur existence, si ce n’est en accroissant chaque jour la tendresse qu’elles avaient l’une pour l’autre, en développant leur âme, en achevant et en mûrissant leur beauté. Clotilde touchait à dix-huit ans et Régina à seize. La mort de la mère de Clotilde, à la suite de sa maladie de langueur, plongea sa fille dans une douleur sourde et lente qui la consuma dans les bras de Régina. La nouvelle de la perte de son père et l’absence forcée et prolongée de son frère achevèrent d’évaporer une vie qui s’était concentrée dans ces trois pensées, et qui ne tenait plus à la terre que par une racine. Cette dernière racine allait être tranchée aussi. On annonça au couvent que Régina allait en sortir pour être fiancée au prince de***, parent et ami de son tuteur.

En effet, la comtesse Livia vint retirer du couvent sa petite-fille pour la garder quelques mois chez elle, dans sa villa de F… Les deux amies ne pouvaient s’arracher des bras l’une de l’autre. Régina jurait à sa grand’mère qu’elle préférait se faire monaca pour le reste de sa vie à la dou-