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times ou illégitimes, pour mettre leur entretien aux frais de l’État, et pour les faire rendre ensuite à leurs mères sur les signes de reconnaissance qu’elle leur mettait au cou ou au bras. « Mais, soyez tranquille, ajouta-t-elle, allez, mam’selle Geneviève, je sais souffrir, mais je ne sais pas trahir. J’aime mieux que mes petits enfants mendient leur pain aux portes, j’aime mieux vieillir comme ces murs et sécher comme ce bois, que de dénoncer votre sœur. Pauvre chère petite, dites-lui qu’elle ne se fasse pas de chagrin ! »

« Alors je lui appris, tout en larmes, la mort de ma sœur.

« — Eh bien donc, dit-elle, que craint-elle là-haut ? Elle est dans le paradis où le bon Dieu en pardonne bien d’autres, comme la Madeleine !

« — Oui, lui dis-je, mais les méchantes langues ne pardonnent jamais ici, ni pendant leur vie, ni après leur mort, au nom et à la mémoire des pauvres innocentes qui ont été trompées par un faux mariage et qui ont fait une faute involontaire. La mémoire et l’honneur de ma sœur me sont aussi chers et plus sacrés que pendant sa vie, voyez-vous ; jurez-moi par votre salut que vous ne direz jamais à personne qui vive, excepté à votre confesseur, que Josette ait péché. » Elle me le jura.

« Alors je lui dis adieu en l’embrassant, et je lui promis qu’elle serait délivrée le lendemain, et que je viendrais prendre sa place à la prison.

« Elle me comprit, et elle essaya de me détourner de mon dessein. « Comment, mam’selle Geneviève, me dit-elle, vous auriez bien le cœur de prendre le malheur sur vous et de laisser croire que la faute est de vous, pour délivrer une pauvre créature comme moi et pour détourner les mauvaises paroles de la tombe d’une morte ! Mais