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mais j’en ai vu d’autres, et avec le silence et le temps on avance plus, voyez-vous, qu’avec le bruit et la presse. Il faut vous donner le temps de combiner les moyens de sauver l’honneur de la petite, d’avertir le père, de préparer la famille, d’avouer la naissance et de la légitimer. Pour tout cela il faut des jours ; fiez-vous à moi, remettez-moi le nouveau-né, nous allons le marquer par un signe qui le fasse toujours reconnaître ; je le porterai cette nuit, dans mon tablier, autour de l’hospice où on les dépose ; je sonnerai, une sœur viendra, je me retirerai à l’écart jusqu’à ce que j’aie vu la sœur prendre l’enfant inconnu dans le tour, et le porter à une des nourrices des montagnes qui couchent à l’hospice pour attendre des nourrissons. Personne que Dieu et ses étoiles ne nous verront. C’est saint Vincent de Paul qui a inventé ça, voyez-vous, mam’selle, qu’elle me dit, pour aveugler la charité, pour couvrir la honte des pauvres mères et pour sauver la vie à des milliers d’enfants. »


LXVII


« Je n’avais pas le choix, monsieur, continua Geneviève ; je marmottai une prière à ce grand saint ; je mis un bracelet des cheveux de son père, avec une S et un J sur un morceau de papier, au bras de l’enfant, qui ne criait pas encore ; la bonne femme l’emporta dans son tablier, et je revins soigner ma sœur, qui ne se doutait de rien. Peu à peu je lui dis ce que j’avais fait, en lui faisant entrer doucement les raisons dans l’esprit. Elle pleura bien, la pauvre petite ; mais elle comprit cependant la nécessité de cette séparation momentanée de son enfant, quand je lui eus