Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le sein avec sa petite main, si tu avais bien le cœur de me faire cela, tu n’aurais pas besoin de revenir ni souvent ni une fois à Voiron, va ! tu ne me retrouverais pas : je serais bientôt au cimetière, à côté de ma mère, et je lui dirais que tu m’as laissée, comme une menteuse, toi qui disais toujours que tu lui avais promis, quand elle est partie pour l’église, de tenir sa place auprès de moi ! »

« Et puis elle se mit à pleurer.


XXXIX


« Vous sentez, monsieur, que je n’étais pas à mon aise en écoutant cette simple petite parler ainsi ; je commençais à me douter que j’avais agi légèrement et par emportement d’amour avec Cyprien ; car, enfin, l’enfant avait raison. Je lui avais servi de mère, je ne l’avais jamais quittée que ce jour-là dans toute sa vie ; je lui avais dit cent fois ce que j’avais dit à notre mère : que je mourrais plutôt que de l’abandonner ; et voilà que j’allais me marier et la laisser comme une orpheline aux soins d’une étrangère ! Oh ! le remords me serrait la gorge, que je ne pouvais ni parler, ni respirer, ni sangloter. Je commençais à me repentir de ce que j’avais promis à Cyprien ; et puis, cependant, je l’aimais tant, que je ne pouvais me repentir de l’aimer. D’un côté la petite, de l’autre mon fiancé, puis mes promesses à l’église le matin, en face de tout le village, et puis ma promesse à ma mère là-haut en face de la mort et de Dieu ! Je me retournais en moi-même et je me retournais dans le lit sans pouvoir trouver une bonne place, ni échapper à l’enfant, ni échapper à l’image de Cyprien, ni échapper à l’ombre de ma mère, ni échapper à mon