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paternelle une éducation très-supérieure à cette ombre d’éducation cloîtrée. Son père, sa mère, une gouvernante lettrée amenée par eux d’Angleterre à Rome, lui avaient enseigné de bonne heure, et presque au-dessus de la mesure de son âge, tout ce qui compose, à Paris ou à Londres, l’éducation d’une jeune fille accomplie. Elle avait étudié l’histoire ; elle avait reçu les principes des arts ; elle avait lu, par fragments, les grands poëtes traduits de l’antiquité ; elle parlait trois langues sans les avoir apprises autrement que par l’usage, le français, l’anglais, l’italien. Elle avait entendu, chez son père et chez sa mère, les entretiens sérieux des hommes distingués de ces trois nations ; entretiens que les enfants n’ont pas l’air d’écouter, mais qu’ils retiennent. Les émigrés français eux-mêmes étaient des novateurs audacieux en comparaison des idées et des mœurs de l’Italie cloîtrée. Clotilde, quoique pieuse comme sa mère, planait, toute jeune qu’elle était, sur l’ignorance et sur la puérilité des dévotions de son cloître.

Elle avait apporté au couvent quelques volumes de choix de ses meilleurs livres d’éducation anglais et français que les religieuses romaines avaient admis sans les comprendre, et dans lesquels elle s’instruisait ou se charmait elle-même pour se préserver de l’oisiveté et de la contagion de commérages de ce petit monde séquestré de toute idée. Son exemple et sa conversation instruisaient plus Régina que les fastidieuses leçons de ces religieuses, ignorantes comme des enfants en cheveux blancs.

Clotilde avait éprouvé pour Régina, au premier coup d’œil, la même inclination naturelle qui avait entraîné Régina vers la jeune Française. La merveilleuse beauté de l’Italienne avait été comme un rayon flottant sur les murs de sa cellule ; son cœur avait bientôt suivi ses regards. La beauté, surtout quand elle est composée de ce mystère