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faisaient glace pour les pauvres filles comme moi, et qui retraçaient depuis les pieds jusqu’à la tête leur taille, leur démarche et leur toilette des jours d’oisiveté. Ah ! monsieur, nous avons été toutes pécheresses, plus ou moins, dans notre jeune temps. Je m’en suis bien confessée depuis. Pourtant je n’avais aucune envie de plaire à personne. Mais j’étais comme le serin de mon maître qui se lisse les plumes, qui se lave dans son eau, qui se caresse le cou avec son bec et qui se regarde dans le miroir, bien qu’il soit seul dans sa cage. Que voulez-vous ? le péché a rejailli sur toute la création ; les bêtes mêmes ont de la vanité ! Hélas ! oui, monsieur, j’en avais dans ce temps-là.


XXII


« Le moment approchait où j’avais l’habitude de voir descendre Cyprien à Voiron. Je m’étais fait moi-même une belle robe ; je m’étais acheté une chaîne de jais noir avec une croix d’or que j’ai toujours là, ajouta-t-elle en me faisant un geste de la main gauche vers son armoire ; je ne sais pas pourquoi je tenais plus qu’à l’ordinaire à être un peu belle ; je les portais tous les jours, de peur que, par hasard, Cyprien n’arrivât un jour où je serais moins bien mise et où je ne flatterais pas tant ses yeux. « Ma sœur, me disait la petite, c’est donc tous les jours dimanche, cette semaine ? » Je ne savais que lui répondre, et ça me faisait rougir.