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Et ces lourds bracelets, qu’un vain luxe idolâtre,
D’un bras harmonieux ne foulaient point l’albâtre ;
Mais, sur sa blanche épaule, un ramier favori
Était venu chercher un amoureux abri ;
Il caressait son cou d’un doux battement d’aile ;
Et, broutant le gazon qui croissait autour d’elle,
Deux lions, par l’attrait près d’elle retenus,
Folâtraient sur sa trace et léchaient ses pieds nus.
Tels les plus doux objets qu’anima la nature
Suivaient Ève en Éden et formaient sa parure.


Suivant d’un pas distrait les pas du saint vieillard,
Elle laissait errer ses beaux yeux au hasard ;
Ce regard n’avait pas ce divin caractère
D’un œil qui voit le ciel et méprise la terre ;
Je ne sais quoi d’humain, de vague et d’inquiet,
Ressemblait au désir, ou plutôt au regret.
On eût dit qu’en ces lieux par la force enchaînée,
Pour ce divin exil elle n’était pas née.
En un mot, l’un semblait un habitant des cieux,
L’autre une enfant de l’homme esclave en ces beaux lieux.


« Jour, disait le vieillard, jour qui finis ta course,
Toi que le temps fit naître, et rappelle à ta source,
C’en est fait : éteins-toi ! Va dans l’éternité
Rendre compte à ce Dieu par qui tu fus compté !
Depuis ce premier jour où ma vieille paupière
Dans l’enfance des temps s’ouvrit à ta lumière,
De ces milliers de jours qui sous mes yeux ont lui,
Je ne te vis jamais si morne qu’aujourd’hui !
Ces fils de la lumière ont-ils, comme nous-même,
Quelque pressentiment de leur heure suprême ?