Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Errant sur les confins de son stérile empire,
Allait, sur les rochers où l’Océan expire,
Recueillir pas à pas, pour soulager sa faim,
Ces vils rebuts des mers rejetés de son sein,
Ces reptiles des eaux, ces impurs coquillages
Que balayaient les flots sur le sable des plages.
En fouillant les débris des murs abandonnés,
Des autels, des tombeaux par ses pas profanés,
Du marbre verdoyant de ces vieilles ruines
Ses négligentes mains arrachaient des racines,
De ces vils aliments composaient son repas,
Que le nectar de l’homme, hélas ! n’arrosait pas.


Ainsi dans les horreurs d’une longue agonie
Végétaient ces enfants d’une race bannie ;
Une éternelle attente empoisonnait leurs jours ;
Mille étranges rumeurs occupaient leurs discours !
Tantôt, pour détourner les fléaux de leurs têtes.
Le fer avait parlé par la voix des prophètes,
Il demandait du sang, des prêtres, des autels,
Promettant à ce prix d’épargner les mortels ;
Et la terre, à jamais de son dieu délivrée,
Aux esprits infernaux allait être sacrée !
Tantôt les ouragans avaient pris une voix
Ou l’éclair dans le ciel avait tracé la croix !
Déjà les éléments, lui rendant leur hommage,
À la voix d’un vieillard avaient soumis leur rage.
Les astres avaient lui, l’onde avait reculé,
Les airs étaient calmés, la terre avait tremblé,
Ou les morts échappés de leurs bières funèbres
Avaient crié : « Salut ! » dans l’horreur des ténèbres :
Mais depuis le matin du dernier de ces jours
Un prodige plus grand occupait leurs discours.