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Mais pourquoi m’entraîner vers ces scènes passées ?
Laissons le vent gémir et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées !

Je veux rêver et non pleurer.






Voyez, dans son bassin, l’eau d’une source vive
S’arrondir comme un lac sous son étroite rive,
Bleue et claire, à l’abri du vent qui va courir,
Et du rayon brûlant qui pourrait la tarir :
Un cygne blanc nageant sur la nappe limpide,
En y plongeant son cou qu’enveloppe la ride,
Orne sans le ternir le liquide miroir,
Et s’y berce au milieu des étoiles du soir ;
Mais si, prenant son vol vers des sources nouvelles,
Il bat le flot tremblant de ses humides ailes,
Le ciel s’efface au sein de l’onde qui brunit,
La plume à grands flocons y tombe, et la ternit,
Comme si le vautour, ennemi de sa race,
De sa mort sur les flots avait semé la trace ;
Et l’azur éclatant de ce lac enchanté
N’est plus qu’une onde obscure où le sable a monté.
Ainsi, quand je partis, tout trembla dans cette âme ;
Le rayon s’éteignit, et sa mourante flamme
Remonta dans le ciel pour n’en plus revenir.
Elle n’attendit pas un second avenir,
Elle ne languit pas de doute en espérance,
Et ne disputa pas sa vie à la souffrance ;
Elle but d’un seul trait le vase de douleur,
Dans sa première larme elle noya son cœur ;
Et, semblable à l’oiseau moins pur et moins beau qu’elle
Qui le soir pour dormir met son cou sous son aile,