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VII


Enfin j’arrivai à la grille du château ; il était plus de midi. Je demandai, avec une timidité que déguisait mal ma feinte assurance, si M. le baron de Vincy était chez lui. On me répondit qu’il y était ; je fus introduit. Malgré ma veste de paysan des montagnes, ma figure contrastait tellement avec mon costume, que M. de Vincy me fit asseoir et me demanda poliment ce qui m’amenait. Je le lui dis ; il m’écouta avec bonté, prit ensuite quelques informations pour s’assurer que je n’étais pas un aventurier, en parut satisfait, écrivit une lettre pour un magistrat de Berne et me la remit. Je sortis en lui exprimant avec sensibilité ma reconnaissance.

Au moment où j’allais le quitter sur le perron de la cour, deux femmes descendaient l’escalier et parurent dans le vestibule.

L’une d’elles était madame la baronne de Vincy. C’était une femme d’environ quarante ans, d’une taille élevée, d’un port majestueux, d’une figure douce et calme, voilée de tristesse comme les traits de la Niobé antique. L’autre était une jeune fille de quinze à seize ans, beaucoup plus petite que sa mère et dont la physionomie méditative indiquait une plante du Nord croissant à l’ombre d’un climat froid et peut-être aussi de quelque tristesse domestique. Elles s’arrêtèrent toutes deux pour écouter en passant les derniers mots de ma conversation avec M. de Vincy. Elles me regardèrent avec une attention mêlée de bonté et restèrent quelque temps sur le perron à me voir partir. Il y avait de l’indécision et du regret dans leur attitude.