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VI


Mais non, tout ne dort pas ! De fenêtre en fenêtre,
Voyez ce seul flambeau briller et disparaître :
Il avance, il recule, il revient tour à tour.
Éclaire-t-il les pas du crime ou de l’amour ?
Aux douteuses clartés qu’il jette sur le sable,
On croit le voir trembler dans une main coupable.
Il descend, il s’arrête à l’angle du palais ;
Et l’œil, à la faveur de ses brillants reflets,
S’insinue, et parcourt un réduit solitaire
Dont les rideaux légers trahissent le mystère.
Sur le pavé, couvert des plus riches tapis,
Du pied le plus léger les pas sont assoupis ;
Les murs en sont ornés d’opulentes tentures ;
Sous les lambris dorés, d’élégantes peintures,
De tout voile jaloux dépouillant la beauté,
Enchaînent le regard ivre de volupté ;
Et, sur trois pieds d’albâtre, une lampe nocturne
Y répand un jour doux, du sein voilé d’une urne.
Là, sous l’alcôve sombre où le pâle flambeau,
Semblable au feu mourant qui luit sur un tombeau,
Mêle d’ombre et de jour une teinte incertaine,
Une jeune beauté dort sur un lit d’ébène :
Son front est découvert ; le sommeil, en ses jeux,
Semble avoir dispersé l’or de ses blonds cheveux,
Qui, flottant sur son sein que leur voile caresse,
Jusqu’au pied de son lit roulent en longue tresse ;
Près d’elle on voit encor, confusément jetés,
Les ornements d’hier qu’à peine elle a quittés :