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AVERTISSEMENT.

hautes régions de la pensée et de la philosophie ; soit qu’il s’abandonne, comme au hasard, au cours capricieux de ses rêveries, et fasse vibrer, jusqu’à rompre, toutes les cordes sensibles de son âme et de la nôtre. Il reprend à chaque instant le dernier mot de sa strophe, à l’imitation de nos anciennes ballades ; et, comme si ce seul mot suffisait pour éveiller cette puissante imagination, il en fait le thème d’une autre série de strophes, et s’élance, sans autre transition, dans une sphère nouvelle d’idées ou de sentiments. Il faudrait tout citer, si l’on citait quelque chose d’une aussi étrange conception. Nous aimons mieux renvoyer le lecteur à l’ouvrage même.

On a beaucoup reproché à lord Byron l’immoralité de quelques-uns de ses ouvrages, ses principes désorganisateurs de tout ordre social, et ses sentiments antireligieux ; mais ces reproches, trop souvent fondés ailleurs, ne nous paraissent pas, à beaucoup près, aussi applicables à Child-Harold qu’à quelques-uns de ses derniers poëmes : on y sent davantage la fraîcheur de la vie et de la jeunesse. On voudrait, il est vrai, en effacer quelques nuages ; mais ces nuages n’empêchent cependant pas le lecteur de reconnaître et d’admirer, dans cette œuvre d’un beau génie, l’expression d’une belle âme. Et d’où viendrait ce génie qui nous émeut et nous charme, si ce n’était d’une âme grande et féconde ? Il n’a jamais eu d’autre source. Malheureusement aussi il n’a jamais préservé les hommes qui l’ont possédé des erreurs les plus funestes de l’esprit et des passions les plus orageuses du cœur ! Lord Byron en est un nouvel exemple : plusieurs de ses ouvrages sont un scandale pour ses admirateurs mêmes ; il en a empoisonné les plus brillantes pages d’un scepticisme de parade, aussi funeste à la génération qui l’admire qu’à son propre talent. Nous ne prétendons point l’excuser : peut-être lui-même, s’il eût