Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/513

Cette page a été validée par deux contributeurs.

De quel droit ose-t-il, étranger sur ces rives ?…
… Étranger ? J’en appelle à tes vagues plaintives,
Beau lac dont j’ai souvent recueilli les accords ;
Torrents aux flots glacés, j’en appelle à vos bords ;
À vous, vallons de paix ; à vous, simples demeures
Où l’hospitalité me fit bénir les heures,
Où ton nom, si souvent par les tiens répété,
Me donna sur ton cœur un droit de parenté !

J’habitai plus que toi ces fortunés rivages ;
J’adorai, j’aime encor ces monts coiffés d’orages,
Où la simplicité des âmes et des mœurs
Garde aux vieilles vertus l’asile de vos cœurs ;
Où la jeune amitié m’accueillit dès l’aurore,
Où l’amitié plus mûre est aussi tendre encore,
Où l’amour disparu dans l’ombre du trépas
Laissa partout pour moi l’empreinte de ses pas,
Et colore à mes yeux vos flots et vos collines
Ou d’un deuil éternel ou de splendeurs divines ;
Où j’ai trouvé plus tard cet unique trésor
Plus rare que l’encens, plus précieux que l’or,
Charme, ornement, repos, colonne de la vie,
Enfin où d’une sœur dort la cendre chérie ;
Où mes neveux un jour, de ta gloire héritiers,
Trouveront nos deux noms unis dans leurs quartiers.
Voilà, voilà mes droits, plus chers que les tiens même.
On est toujours, crois-moi, du pays que l’on aime :
Mais si ton cœur jugeait ces titres mal acquis,
J’aimerais malgré toi la terre où tu naquis !…