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Si nombreux, si pressés, que notre œil ébloui,
Qui poursuit dans l’espace un astre évanoui,
Voit cent fois, dans le champ qu’embrasse sa paupière,
Des mondes circuler en torrents de poussière !
Plus loin, sont ces lueurs que prirent nos aïeux
Pour les gouttes du lait qui nourrissait les dieux ;
Ils ne se trompaient pas : ces perles de lumière,
Qui de la nuit lointaine ont blanchi la carrière,
Sont des astres futurs, des germes enflammés
Que la main toujours pleine a pour les temps semés,
Et que l’esprit de Dieu, sous ses ailes fécondes,
De son ombre de feu couve au berceau des mondes.
C’est de là que, prenant leur vol au jour écrit,
Comme un aiglon nouveau qui s’échappe du nid,
Ils commencent sans guide et décrivent sans trace
L’ellipse radieuse au milieu de l’espace,
Et vont, brisant du choc un astre à son déclin,
Renouveler des cieux toujours à leur matin.

Et l’homme cependant, cet insecte invisible,
Rampant dans les sillons d’un globe imperceptible,
Mesure de ces feux les grandeurs et les poids,
Leur assigne leur place, et leur route, et leurs lois,
Comme si, dans ses mains que le compas accable,
Il roulait ces soleils comme des grains de sable !
Chaque atome de feu que dans l’immense éther,
Dans l’abîme des nuits, l’œil distrait voit flotter ;
Chaque étincelle errante au bord de l’Empyrée,
Dont scintille en mourant la lueur azurée ;
Chaque tache de lait qui blanchit l’horizon,
Chaque teinte du ciel qui n’a pas même un nom,
Sont autant de soleils, rois d’autant de systèmes,
Qui, de seconds soleils se couronnant eux-mêmes,