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Semble planer aussi sur tous les éléments,
Et de tout ce qui vit calmer les battements.
Un silence pieux s’étend sur la nature :
Le fleuve a son éclat, mais n’a plus son murmure ;
Les chemins sont déserts, les chaumières sans voix ;
Nulle feuille ne tremble à la voûte des bois ;
Et la mer elle-même, expirant sur sa rive,
Roule à peine à la plage une lame plaintive ;
On dirait, en voyant ce monde sans échos,
Où l’oreille jouit d’un magique repos,
Où tout est majesté, crépuscule, silence,
Et dont le regard seul atteste l’existence,
Que l’on contemple en songe, à travers le passé,
Le fantôme d’un monde où la vie a cessé.
Seulement, dans les troncs des pins aux larges cimes,
Dont les groupes épars croissent sur ces abîmes,
L’haleine de la nuit, qui se brise parfois,
Répand de loin en loin d’harmonieuses voix,
Comme pour attester, dans leur cime sonore,
Que ce monde assoupi palpite et vit encore.

Un monde est assoupi sous la voûte des cieux ?
Mais, dans la voûte même où s’élèvent mes yeux,
Que de mondes nouveaux, que de soleils sans nombre,
Trahis par leur splendeur, étincellent dans l’ombre !
Les signes épuisés s’usent à les compter,
Et l’âme infatigable est lasse d’y monter !
Les siècles, accusant leur alphabet stérile,
De ces astres sans fin n’ont nommé qu’un sur mille :
Que dis-je ? au bord des cieux, ils n’ont vu qu’ondoyer
Les mourantes lueurs de ce lointain foyer :
Là l’antique Orion des nuits perçant les voiles,
Dont Job a le premier nommé les sept étoiles ;