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Mais le sommeil, doux fruit des jours laborieux,
Avant l’heure tardive appesantit nos yeux ;
Comme aux jours de Rachel, la prière rustique
Rassemble devant Dieu la tribu domestique,
Et pour que son encens soit plus pur et plus doux,
C’est la voix d’un enfant qui l’élève pour tous.
Cette voix virginale, et qu’attendrit encore
La présence du Dieu qu’à genoux elle implore,
Invoque sur les nuits sa bénédiction,
Ou murmure un des chants des harpes de Sion ;
On y répond en chœur ; et la voix de la mère,
Douce et tendre, et l’accent mâle et grave du père,
Et celui des vieillards que les ans ont baissé,
Et celui des pasteurs que les champs ont cassé,
Bourdonnant sourdement la parole divine,
Forment avec les sons de la voix enfantine
Un contraste de trouble et de sérénité,
Comme une heure de paix dans un jour agité ;
Et l’on croirait, aux sons de cette voix qui change,
Entendre des mortels interroger un ange.

Ainsi coule la vie en paisibles soleils :
Quelle foi peut manquer à des moments pareils ?
Qu’importe ce vain flux d’opinions mortelles
Se brisant l’une l’autre en vagues éternelles,
Et ne répandant rien, sur l’écueil de la nuit,
Que leur brillante écume, et de l’air et du bruit ?
La vie est courte et pleine, et suffit à la vie ;
De ces soins innocents l’âme heureuse et remplie
Ne doute pas du Dieu qu’elle porte avec soi ;
C’est sous d’humbles vertus qu’il a caché sa foi :
Un regard en sait plus que les veilles des sages.
Un beau soir qui s’endort dans son lit de nuages,