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On regarde descendre avec un œil d’amour,
Sous les monts, dans les mers, l’astre poudreux du jour ;
Et selon que son disque, en se noyant dans l’ombre,
Creuse une ornière d’or ou laisse un sillon sombre,
On sait si dans le ciel l’aurore de demain
Doit ramener un jour nébuleux ou serein,
Comme à l’œil du chrétien le soir pur d’une vie
Présage un jour plus beau dont la mort est suivie ;
On entend l’Angélus tinter, et d’un saint bruit
Convoquer les esprits qui bénissent la nuit.
Tout avec l’horizon s’obscurcit : l’âme est noire,
Le souvenir des morts revient dans la mémoire ;
On songe à ses amis dont l’œil ne doit plus voir,
Dans le jour éternel, de matin ni de soir ;
On sonde avec tristesse au fond de sa pensée
La place, vide encor, que leur mort a laissée ;
Et, pour combler un peu l’abîme douloureux,
On y jette un soupir, une larme pour eux !

Enfin quand sur nos fronts l’étoile des nuits tremble,
On remonte au foyer, on cause, on lit ensemble
Un de ces testaments sublimes, immortels,
Que des morts vertueux ont légués aux mortels,
Sur les âges lointains phares qu’on aime à suivre,
Homère, Fénelon, et surtout ce grand livre
Où les secrets du ciel et de l’humanité
Sont écrits en deux mots : Espoir et Charité !
Et quelquefois enfin, pour enchanter nos veilles,
D’une chaste harmonie enivrant nos oreilles,
Nous répétons les vers de ces hommes divins
Qui, dérobant des sons aux luths des séraphins,
Ornent la vérité de nombre et de mesure,
Et parlent par image ainsi que la nature.