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DE SOCRATE.


» Car, ainsi que les corps, la pensée est féconde.
Un seul désir suffit pour peupler tout un monde ;
Et, de même qu’un son par l’écho répété,
Multiplié sans fin, court dans l’immensité,
Ou comme en s’étendant l’éphémère étincelle
Allume sur l’autel une flamme immortelle ;
Ainsi ces êtres purs l’un vers l’autre attirés,
De l’amour créateur constamment pénétrés,
À travers l’infini se cherchent, se confondent,
D’une éternelle étreinte, en s’aimant, se fécondent,
Et, des astres déserts peuplant les régions,
Prolongent dans le ciel leurs générations.
Ô célestes amours ! saints transports ! chaste flamme !
Baisers où sans retour l’âme se mêle à l’âme,
Où l’éternel désir et la pure beauté
Poussent en s’unissant un cri de volupté ;
Si j’osais…! » Mais un bruit retentit sous la voûte ;
Le sage interrompu tranquillement écoute.
Et nous vers l’occident nous tournons tous les yeux :
Hélas ! c’était le jour qui s’enfuyait des cieux !





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En détournant les yeux, le serviteur des Onze
Lui tendait le poison dans la coupe de bronze ;
Socrate la reçut d’un front toujours serein,
Et, comme un don sacré l’élevant dans sa main,
Sans suspendre un moment sa phrase commencée,
Avant de la vider acheva sa pensée.