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HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES.


Un jour cependant, ô ma lyre,
Un jour assoupira ta voix !
Tu regretteras ce délire
Dont tu t’enivrais sous mes doigts :
Les ans terniront cette glace
Où la nature te retrace
Les merveilles du Saint des saints ;
Le temps, qui flétrit ce qu’il touche,
Ravira les sons sur ma bouche,
Et les images sous mes mains.

Tu ne répandras plus mon âme
En flots d’harmonie et d’amour ;
Mais le sentiment qui m’enflamme
Survivra jusqu’au dernier jour,
Semblable à ces sommets arides
Dont l’âge a dépouillé les rides
De leur ombre et de leurs échos,
Mais qui dans leurs flancs sans verdure
Gardent une onde au doux murmure,
Et dont le ciel nourrit les flots.

Ah ! quand ma fragile mémoire,
Comme une urne dont l’onde a fui,
Aura perdu ces chants de gloire
Que ton Dieu t’inspire aujourd’hui,
De ta défaillante harmonie
Ne rougis pas, ô mon génie !
Quand ta corde n’aurait qu’un son,
Harpe fidèle, chante encore
Le Dieu que ma jeunesse adore ;
Car c’est un hymne que son nom !