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LA MORT

Et, buvant à longs traits le nectar qui l’enivre,
Du jour de son trépas il commence de vivre ! »





« — Mais mourir c’est souffrir ; et souffrir est un mal.
— Amis, qu’en savons-nous ? Et quand l’instant fatal
Consacré par le sang comme un grand sacrifice
Pour ce corps immolé serait un court supplice,
N’est-ce pas par un mal que tout bien est produit
L’été sort de l’hiver, le jour sort de la nuit.
Dieu lui-même a noué cette éternelle chaîne ;
Nous fûmes à la vie enfantés avec peine,
Et cet heureux trépas, des faibles redouté,
N’est qu’un enfantement à l’immortalité.

» Cependant de la mort qui peut sonder l’abîme ?
Les dieux ont mis leur doigt sur sa lèvre sublime :
Qui sait si dans ses mains, prêtes à la saisir,
L’âme, incertaine, tombe avec peine ou plaisir ?
Pour moi, je vis encor, je ne sais, mais je pense
Qu’il est quelque mystère au fond de ce silence ;
Que des dieux indulgents la sévère bonté
A jusque dans la mort caché la volupté,
Comme, en blessant nos cœurs de ses divines armes,
L’Amour cache souvent un plaisir sous des larmes. »

L’incrédule Cébès à ce discours sourit ;
— Je le saurai bientôt, dit Socrate. Il reprit :