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DE SOCRATE.

Mon âme avec mes sens a-t-elle combattu ?
Sans la mort, mes amis, que serait la vertu ?…
C’est le prix du combat, la céleste couronne
Qu’aux bornes de la course un saint juge nous donne ;
La voix de Jupiter qui nous rappelle à lui.
Amis, bénissons-la ! je l’entends aujourd’hui.
je pouvais, de mes jours disputant quelque reste,
Me faire répéter deux fois l’ordre céleste :
Me préservent les dieux d’en prolonger le cours !
En esclave attentif, ils m’appellent, j’y cours !
Et vous, si vous m’aimez, comme aux plus belles fêtes,
Amis, faites couler des parfums sur vos têtes !
Suspendez une offrande aux murs de la prison !
Et, le front couronné d’un verdoyant feston,
Ainsi qu’un jeune époux qu’une foule empressée,
Semant de chastes fleurs le seuil du gynécée,
Vers le lit nuptial conduit après le bain,
Dans le bras de la mort menez-moi par la main !…





» Qu’est-ce donc que mourir ? Briser ce nœud infâme,
Cet adultère hymen de la terre avec l’âme,
D’un vil poids, à la tombe, enfin se décharger.
Mourir n’est pas mourir ; mes amis, c’est changer !
Tant qu’il vit, accablé sous le corps qui l’enchaîne,
L’homme vers le vrai bien languissamment se traîne,
Et, par ses vils besoins dans sa course arrêté,
Suit, d’un pas chancelant, ou perd la vérité.
Mais celui qui, touchant au terme qu’il implore,
Voit du jour éternel étinceler l’aurore,
Comme un rayon du soir, remontant dans les cieux,
Exilé de leur sein, remonte au sein des dieux ;