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Le lâche pouvoir qu’il exerce pour la destruction de la terre n’excite que tes dédains ; tu le fais voler avec ton écume jusqu’aux nuages, et tu le rejettes, en te jouant, aux lieux où il a placé toutes ses espérances : son cadavre gît sur la plage, près du port qu’il voulait aborder.


CLXXXI

Que sont ces armements redoutables qui vont foudroyer les villes de tes rivages, épouvanter les nations, et faire trembler les monarques dans leurs capitales ? Que sont ces citadelles mouvantes, semblables à d’énormes baleines, et dont les mortels qui les construisent sont si fiers, qu’ils osent se parer des vains titres de seigneurs de l’Océan et d’arbitres de la guerre ? Que sont-elles pour toi ? un simple jouet. Nous les voyons, comme la blanche écume, se fondre dans les ondes amères, qui anéantissent également l’orgueilleuse Armada ou les débris de Trafalgar.


CLXXXII

Tes rivages sont des empires qui changent sans cesse, et tu restes toujours le même ! Que sont devenues l’Assyrie, la Grèce, Rome et Carthage ? Tes flots battaient leurs frontières au jour de la liberté ; et plus tard, sous le règne des tyrans, leurs peuples, esclaves ou barbares, obéissent à des lois étrangères. La destinée fatale a converti des royaumes en déserts… Mais rien ne change en toi, que le caprice de tes vagues ; le temps ne grave aucune ride sur ton front d’azur : tel tu vis l’aurore de la création, tel tu es encore aujourd’hui !


CLXXXIII

Glorieux miroir où le Tout-Puissant aime à se contempler au milieu des tempêtes ; calme ou agité, soulevé par la brise, par le zéphyr ou l’aquilon, glacé vers le pôle, bouillant sous la zone torride, tu es toujours sublime et sans limites ; tu es l’image de l’éternité, le trône de l’Invisible ; ta vase féconde elle-même produit les monstres de l’abîme. Chaque région t’obéit ; tu avances terrible, impénétrable et solitaire !