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Se voilant à demi sous sa noire paupière,
Semble, en la recevant, éteindre la lumière.

Est-ce là ce foyer de sentiments divers,
D’où l’âme et le regard jaillissaient en éclairs ?
Dans son orbite éteint, ce regard terne et sombre
De ces cils abaissés ne peut plus percer l’ombre ;
Et ce sein où battait tant de vie et d’amour,
Où chaque passion frémissait tour à tour,
Ce sein, dont un désir eût soulevé la tombe,
Sans mouvement, sans voix, sans haleine retombe,
Et ne peut soulever ce long voile de deuil,
Ce funèbre tissu, vêtement du cercueil !

Mais son âme, où fuit-elle au moment qu’il expire ?
Son âme ? Ah ! viens alors, viens, ange du martyre,
Toi dont la main efface, aux yeux du Tout-Puissant,
Les péchés d’un mortel avec son propre sang ;
Toi qui, dans la balance où Dieu pèse la vie,
Mets la mort d’un héros près des jours d’un impie !
Viens, les yeux rayonnant d’un espoir incertain,
Porter l’âme d’Harold au Juge souverain ;
Et, révoquant l’arrêt, sur le livre de grâce
Écrire avec ta palme un pardon qui l’efface !

Et vous qui jusqu’ici, de climats en climats,
Enchaînés à sa voix, avez suivi ses pas ;
Si ses chants quelquefois ont élevé votre âme,
Donnez-lui… donnez-lui… ce qu’une ombre réclame,
Une larme !… C’est là ce funèbre denier,
Ce tribut qu’à la mort tout mortel doit payer !