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LA MORT

Ses cheveux, effleurés du souffle de l’automne,
Dessinaient sur sa tête une pâle couronne,
Et, de l’air matinal par moments agités,
Répandaient sur son front des reflets argentés ;
Mais, à travers ce front où son âme est tracée,
On voyait rayonner sa sublime pensée,
Comme, à travers l’albâtre ou l’airain transparents,
La lampe, sur l’autel jetant ses feux mourants,
Par son éclat voilé se trahissant encore,
D’un reflet lumineux les frappe et les colore.
Comme l’œil sur les mers suit la voile qui part,
Sur ce front solennel attachant leur regard,
À ses yeux suspendus, ne respirant qu’à peine,
Ses amis attentifs retenaient leur haleine ;
Leurs yeux le contemplaient pour la dernière fois ;
Ils allaient pour jamais emporter cette voix !
Comme la vague s’ouvre au souffle errant d’Éole,
Leur âme impatiente attendait sa parole.
Enfin du ciel sur eux son regard s’abaissa,
Et lui, comme autrefois, sourit, et commença :





« Quoi ! vous pleurez, amis ! vous pleurez quand mon âme,
Semblable au pur encens que la prêtresse enflamme,
Affranchie à jamais du vil poids de son corps,
Va s’envoler aux dieux, et, dans de saints transports,
Saluant ce jour pur qu’elle entrevit peut-être,
Chercher la vérité, la voir, et la connaître !
Pourquoi donc vivons-nous, si ce n’est pour mourir ?
Pourquoi pour la justice ai-je aimé de souffrir ?
Pourquoi dans cette mort qu’on appelle la vie,
Contre ses vils penchants luttant, quoique asservie ;