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LA MORT

Sous la voûte, à ces mots, des sanglots éclatèrent ;
D’un cercle plus étroit ses amis l’entourèrent :
« Puisque tu vas mourir, ami trop tôt quitté,
Parle-nous d’espérance et d’immortalité !
— Je le veux bien, dit-il : mais éloignons les femmes ;
Leurs soupirs étouffés amolliraient nos âmes.
Or, il faut, dédaignant les terreurs du tombeau,
Entrer d’un pas hardi dans un monde nouveau !





« Vous le savez, amis ; souvent, dès ma jeunesse,
Un génie inconnu m’inspira la sagesse,
Et du monde futur me découvrit les lois.
Était-ce quelque dieu caché dans une voix ?
Une ombre m’embrassant d’une amitié secrète ?
L’écho de l’avenir ? la muse du poëte ?
Je ne sais ; mais l’esprit qui me parlait tout bas,
Depuis que de ma fin je m’approche à grands pas,
En sons plus élevés me parle, me console ;
Je reconnais plus tôt sa divine parole,
Soit qu’un cœur affranchi du tumulte des sens
Avec plus de silence écoute ses accents ;
Soit que, comme l’oiseau, l’invisible génie
Redouble vers le soir sa touchante harmonie ;
Soit plutôt qu’oubliant le jour qui va finir,
Mon âme, suspendue aux bords de l’avenir,
Distingue mieux le son qui part de l’autre monde,
Comme le nautonier, le soir, errant sur l’onde,
À mesure qu’il vogue et s’approche du bord,
Distingue mieux la voix qui s’élève du port.
Cet invisible ami jamais ne m’abandonne,
Toujours de son accent mon oreille résonne,