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Qu’un cercueil, dernier terme où tend la gloire humaine,
De tant de vanités est encor la moins vaine ;
Et que pour un mortel peut-être il était beau
De conquérir du moins, ici-bas, un tombeau !…
Je l’aurai !… Cependant mon cœur souhaite encore
Quelque chose de plus ; mais quoi donc ? il l’ignore.
Quelque chose au delà du tombeau ! Que veux-tu ?
Et que te reste-t-il à tenter ?… La vertu !
Eh bien ! pressons ce mot jusqu’à ce qu’il se brise !
S’immoler sans espoir pour l’homme qu’on méprise ;
Sacrifier son or, ses voluptés, ses jours,
À ce rêve trompeur… mais qui trompe toujours ;
À cette liberté que l’homme qui l’adore
Ne rachète un moment que pour la vendre encore ;
Venger le nom chrétien du long oubli des rois ;
Mourir en combattant pour l’ombre d’une croix,
Et n’attendre pour prix, pour couronne et pour gloire,
Qu’un regard de ce Juge en qui l’on voudrait croire…
Est-ce assez de vertu pour mériter ce nom ?
Eh bien ! sachons enfin si c’est un rêve, ou non ! »


XVIII


Silence !… Est-ce un nuage ou l’ombre d’une voile,
Qui du soir tout à coup vient dérober l’étoile,
L’ombre approche, s’étend. « Aux armes ! Un vaisseau ! »
Comme un noir ouragan son poids fait plier l’eau ;
Ses trois ponts élevés d’étages en étages,
Ses antennes, ses mâts, ses voiles, ses cordages,
Cachant l’azur du ciel aux yeux des matelots,
D’une nuit menaçante obscurcissent les flots.