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Prêter avec mollesse, au marbre de Blanduse,
Les traits de ces héros dont l’image t’accuse.
Ta langue, modulant des sons mélodieux,
A perdu l’âpreté de tes rudes aïeux ;
Douce comme un flatteur, fausse comme un esclave,
Tes fers en ont usé l’accent nerveux et grave ;
Et, semblable au serpent, dont les nœuds assouplis
Du sol fangeux qu’il couvre imitent tous les plis,
Façonnée à ramper par un long esclavage,
Elle se prostitue au plus servile usage,
Et, s’exhalant sans force en stériles accents,
Ne fait qu’amollir l’âme et caresser les sens.

» Monument écroulé, que l’écho seul habite ;
Poussière du passé, qu’un vent stérile agite ;
Terre, où les fils n’ont plus le sang de leurs aïeux,
Où sur un sol vieilli les hommes naissent vieux,
Où le fer avili ne frappe que dans l’ombre,
Où sur les fronts voilés plane un nuage sombre,
Où l’amour n’est qu’un piége et la pudeur qu’un fard,
Où la ruse a faussé le rayon du regard,
Où les mots énervés ne sont qu’un bruit sonore,
Un nuage éclaté qui retentit encore :
Adieu ! Pleure ta chute en vantant tes héros !
Sur des bords où la gloire a ranimé leurs os,
Je vais chercher ailleurs (pardonne, ombre romaine !)
Des hommes, et non pas de la poussière humaine !…