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Ce sang de l’étranger que notre terre a bu
Doit consacrer le reste aux yeux de la tribu :
De ce sang à nos fils Dieu demanderait compte ;
Leur signe serait meurtre, et leur nom serait honte !
Cependant devons-nous livrer imprudemment
Le salut de Phayr par notre entraînement ?
Libre il est un danger ; mais sa mort est un crime.
Qu’il vive ! mais, de peur que sa main nous opprime,
Ou qu’il suive nos pas pour mieux les révéler,
Ou qu’au nôtre son sang ose un jour se mêler,
Qu’il vive ! mais esclave au milieu des esclaves.
— Oui, qu’il vive ! qu’il vive ! Apportez les entraves !
Crie en frappant des mains la tribu d’une voix.
Des fardeaux, de la tente, il portera le poids.
Il combattra pour nous ; de son fortuné maître,
Sans crainte des lions les troupeaux iront paître ;
Et du père aux enfants il sera dans Sannyr
L’onagre et le chameau des enfants de Phayr. »

Les sept chefs à ce cri se lèvent de leur siége.
La foule sur leurs pas se presse et les assiége.
On apporte à leurs pieds le honteux instrument,
Des esclaves d’alors torture et vêtement :
La cruauté de l’homme, en supplices féconde,
Les avait inventés dès l’enfance du monde ;
Seulement, dépourvu de ses arts d’aujourd’hui,
L’instrument en était barbare comme lui.
Du pasteur du Liban la race encor sauvage
Des métaux assouplis ignorait tout usage,