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Que ce sang dont par toi l’herbe fut arrosée
Sur ta tête sept fois redescende en rosée :
Pour te payer le prix qu’on doit à ta vertu,
De nos bras, de nos cœurs, parle, qu’espères-tu ?
Mais dis-nous avant tout si tu viens de la nue,
Ou d’une race humaine à nos yeux inconnue.
Parle donc ! apprends-nous ta nature et ton nom ;
Que de ton âme enfin la nôtre entende un son.

Il se tut ; le jeune homme attentif, en silence,
Des accents du vieillard écoutant la cadence,
Semblait suivre dans l’air avec attention
Des sons qu’il entendait chaque vibration,
Comme si la parole était une merveille
Dont chaque son portât un coup à son oreilles ;
Puis, essayant lui-même un accent modulé,
Ne proféra qu’un son vague, inarticulé,
Semblable au bégaîment qu’en essayant la vie,
Pour imiter sa mère, un enfant balbutie.
Chaque chef à son tour l’interrogeait en vain :
Il comprenait de l’œil, les yeux, le front, la main ;
Mais les mots à ses sens n’étaient que des murmures.
La stupeur se peignait sur toutes les figures,
Et, depuis le vieillard jusques à Daïdha,
Avec étonnement chacun le regarda.
Le second des enfants de Phayr dit : « Mes frères,
Cet homme et cette nuit sont remplis de mystères.
Avant qu’il soit trop tard prévenons le danger ;
Observons la coutume, et tuons l’étranger. »