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Sa raison chancelait sous le fardeau de l’âge ;
Son pouvoir du passé n’était plus que l’image ;
Ses fils, ne lui laissant qu’un pouvoir disputé,
S’arrachaient sous son nom sa feinte autorité :
D’un respect apparent ils couvraient leur puissance ;
Mais ce qui lui gardait un peu d’obéissance,
C’était moins du passé le tendre souvenir,
Le droit sacerdotal de maudire ou bénir,
Que le droit de régler le destin des familles,
Aux fils de la tribu de décerner les filles.
Car le bien le plus cher et le plus disputé,
C’était, chez ces enfants du désert, la beauté !

Or, Phayr sous ses yeux voyait de près éclore
Cette fleur qui croissait pour s’embellir encore.
Il avait depuis peu couché dans le tombeau
Le dernier de ses fils, hélas ! et le plus beau :
Ségor était son nom ; depuis moins d’une année
Une épouse à ses flancs avait été donnée,
Et l’oiseau qui roucoule enviait leurs amours
Quand la flèche d’Ischar avait tranché ses jours.
Phayr, dont cet enfant consolait la vieillesse,
Noya depuis ce coup ses yeux dans la tristesse.
Selon les vieilles mœurs, vieillard, il avait pris
Pour épouse Selma, la veuve de son fils,
Comme de l’arbre d’or que la tempête cueille,
Quand la tige est coupée, on ramasse la feuille.
Selma, qui dormait chaste à côté du vieillard,
Mit au monde son fruit, hélas ! venu trop tard