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Et, pour précipiter son suprême moment,
Soi-même s’étouffait sous l’humide élément ?
L’abîme en connut seul l’horrible alternative,
Et l’onde bouillonnante en submergea sa rive.
Enfin, dans ses efforts de Dieu seul aperçus,
L’enfant du ciel reprit un moment le dessus ;
Au niveau du flot sombre il releva son buste ;
Pressant un corps dans l’eau sous son genou robuste,
Ouvrant de ses deux mains la bouche du géant,
Il fit entrer le flot dans le gosier béant,
Et bientôt, remontant du fond à la surface,
Un cadavre flottant en obscurcit la glace.
Ses traits morts respiraient la rage et la terreur,
Et le rayon des nuits s’en écartait d’horreur !
Tout ruisselant des flots, du limon qui l’inonde,
Le vainqueur déchiré sort à grands pas de l’onde,
Et, plein du même instinct dont l’éclair le guida,
Sans étancher son sang revole à Daïdha.
Pour briser le filet il se penche sur elle.
L’enfant, témoin et prix de la lutte mortelle,
Avait suivi des yeux et secondé du cœur
L’effort désespéré de son libérateur.
Cet être reconnu par sa vague mémoire
Brillait par sa beauté moins que de sa victoire ;
Et, bien qu’elle ignorât sur elle son dessein,
Elle pressait ses bras, se collait sur son sein ;
Comme si par instinct sa tendre confiance
De son amour céleste eût eu la conscience.
Quand il eut soulevé les longs plis des réseaux,
Et des mailles de fer déroulé les anneaux,