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Quand dans la tendre extase où le sommeil la plonge
Son angélique amour la visitait en songe :
C’était l’ange toujours, mais sous des traits humains,
L’homme enfant tel que Dieu le pétrit de ses mains ;
Âme visible aux yeux, ravissant phénomène,
Où l’esprit transparent sous l’enveloppe humaine,
Élevant la matière à sa sublimité,
L’empreint d’intelligence et l’orne de beauté,
Et de sa sympathie en s’échauffant lui-même,
De l’amour qu’il ressent pénètre ce qu’il aime !
Il semblait que la vie eût mesuré ses jours
À ceux de cette enfant, ses divines amours :
Seulement par les traits son jeune et beau visage
Révélait quelque chose au-dessus de cet âge ;
Et, quoique dans sa fleur, sa précoce beauté
Approchait un peu plus de sa maturité.
Son regard doux nageait dans un azur moins pâle ;
Sa lèvre gracieuse avait un pli plus mâle ;
Les boucles d’or bruni de ses épais cheveux
Roulaient en flots plus courts sur un cou plus nerveux ;
Sa taille dépassait d’une demi-stature
Celle de la charmante et frêle créature ;
Ses membres arrondis, mais où des muscles forts
Mêlaient déjà la force à la grâce du corps,
Sans aucun poids, d’un port majestueux et libre,
Posaient sur le gazon dans un juste équilibre,
Ainsi qu’un dieu sorti du ciseau du sculpteur,
Dont le pied porte seul toute la pesanteur !
C’était derrière un tronc de cèdre épais et sombre
Que l’ange avait changé de nature dans l’ombre,