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C’était, avec les poils, la peau d’un léopard
Dont il avait fendu le col avec son dard ;
Gigantesque collier ! sa hideuse figure
S’entourait par devant de cette horrible hure :
Elle pendait immense avec ses yeux ardents,
Et sa lèvre sanglante et l’ivoire des dents ;
Les griffes de ses pieds, comme debout dressées,
Aux deux côtés du cou sur l’épaule placées,
Flottaient près de la gueule avec leurs ongles d’or,
Où la fureur semblait les contracter encor.
Le reste de la peau, tombant à l’aventure,
Se rattachait aux flancs avec une ceinture,
Et les lambeaux tigrés descendaient à mi-corps,
En haillons dont les chiens ont déchiré les bords.
Ses cheveux, de son front rejetés en arrière,
Ondoyaient sur le dos en sauvage crinière ;
Son cou les secouait comme fait le lion.
Son visage, éclairé d’un sinistre rayon,
Dans ses grands traits communs aux aînés de la terre,
Portait de la beauté le mâle caractère ;
Mais ce regard humain par qui tout œil est beau,
Ce rayon mal voilé du céleste flambeau,
Ne l’illuminait pas des reflets de sa flamme :
C’était une beauté de chair et non pas d’âme,
Qu’éclairait seulement de vils instincts puissants,
Ainsi qu’un jour d’en bas, la lumière des sens.
L’intelligence éteinte y laissait voir sans luttes
Triompher l’appétit et la force des brutes.
Des lèvres et de l’œil le muscle contracté
N’y trahissait que ruse et que férocité.