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Mystérieux clavier de cette âme infinie
Dont sans savoir le sens on entend l’harmonie !
Et maintenant enfin pour mon œil enchanté
Ô spectacle trop plein d’amère volupté,
Qui fait fondre mon cœur et fascine ma vue !
Voir cette belle enfant à l’âme chaste et nue
Palpiter au contact d’un sentiment nouveau,
Comme au bord de son nid l’aile d’un jeune oiseau ;
Se pénétrer d’un feu qui cache encor sa flamme,
Rougir de sa pensée en sentant qu’elle est femme ;
Exhaler, solitaire et rêveuse, en soupir
Cet instinct que la nuit ne peut même assoupir ;
Au foyer d’un cœur pur concentrer ses tendresses,
De ses yeux, de sa main retenir les caresses,
Rêver sur quel objet ce vague sentiment
S’épandra, de l’amour divin pressentiment !
Chercher à lui donner un nom, une figure,
La recréer cent fois, l’effacer à mesure,
Ne la trouver qu’en songe, et pleurer au réveil
Cet idéal amant que dissipe un soleil !
Ah ! c’est trop pour un homme et pour un ange même !
Voilà ce que je vois, et je doute si j’aime !
Si j’aime ! et sans amour serais-je si jaloux
De ses frères rêvant déjà le nom d’époux ?
Dans l’oubli de ses sens où le sommeil la plonge,
Prendrais-je tant de soin de lui former un songe
Et d’y faire apparaître avec des traits humains
Une image de moi que j’orne de mes mains ?
Un fantôme idéal dont l’éclat la fascine,
Un frère revêtu de ma splendeur divine,