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« Daïdha, disait-il, tendre faon des montagnes !
Parfum caché des bois ! ta mère et tes compagnes
Te cherchent en criant dans les forêts. Pourquoi
Ai-je oublié le ciel pour veiller là sur toi ?
C’est ainsi chaque jour : tous les anges mes frères
Plongent au firmament et parcourent les sphères ;
Ils m’appellent en vain, moi seul je reste en bas :
Il n’est plus pour mes yeux de ciel où tu n’es pas !
Pourquoi la loi du Maître, ô fille de la femme,
À ton âme en naissant voua-t-elle mon âme ?
Pourquoi me tira-t-il de mon heureux néant
À l’heure où tu naquis d’un baiser, belle enfant ?
Il nous créa jumeaux ; mais, par un jeu barbare,
Si l’amour nous unit, l’infini nous sépare !
Oh ! sous mes yeux charmés depuis que tu grandis,
Mon destin immortel, combien je le maudis !
Combien de fois, tenté par un attrait trop tendre,
Ne pouvant t’élever, je brûlai de descendre,
D’abdiquer ce destin, pour t’égaler à moi,
Et de vivre ta vie en mourant comme toi !
Combien de fois ainsi dans mon ciel solitaire,
Lassé de mon bonheur et regrettant la terre,
Ce cri, ce cri d’amour dans mon âme entendu,
Sur mes lèvres de feu resta-t-il suspendu !
Fais-moi mourir aussi, Dieu qui la fis mortelle !
Être homme ! quel destin !… oui, mais être aimé d’elle !
Mais aimer, être aimé, d’un mutuel retour !
Ah ! l’ange ne sait pas ce que c’est que l’amour !
Être unique et parfait qui suffit à soi-même,
Non, il ne connaît pas la volupté suprême