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Pareilles dans sa bouche aux gouttes de lait blanc
Que laisse la mamelle aux lèvres de l’enfant !
Les deux coins indécis où cette bouche expire
Se noyaient dans un vague où naissait le sourire.
De ce sommeil d’enfant la rêveuse langueur
Laissait sur le visage épanouir le cœur ;
Miroir voilé d’un rêve, on y voyait éclore
Cette âme dont le front s’éclaire et se colore.
Ses membres délicats au contour assoupli,
Ondoyant sous la peau sans marquer aucun pli,
Pleins, mais de cette chair frêle encor de l’enfance,
Qui passe d’heure en heure à son adolescence,
Ressemblaient aux tuyaux du froment ou du lin,
Dont la séve arrondit le contour déjà plein,
Mais où l’été fécond qui doit mûrir la gerbe
N’a pas encor durci les nœuds dorés de l’herbe.
Les membres endormis avaient l’air d’être morts.
L’astre, sans l’émouvoir, caressait ce beau corps,
Et, si l’on n’eût pas vu son haleine inégale
Élever, abaisser son sein par intervalle,
Et les rêves passant à travers son sommeil
Teindre sa blanche joue avec son sang vermeil,
On eût cru voir briller devant soi dans un rêve,
Au jardin d’innocence, une vision d’Ève ;
Ou, la veille du jour qui doit le voir aimé,
Le songe de l’époux dans ses bras animé !
L’ange, pour la mieux voir écartant le feuillage,
De son céleste amour l’embrassait en image,
Comme sur un objet que l’on craint d’approcher
Le regard des humains pose sans y toucher.