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LA CHUTE D’UN ANGE

Et quelques lis des eaux, pleins de parfums nocturnes,
Recourbaient sur son corps leurs joncs verts et leurs urnes ;
Son bras droit, qu’elle avait ouvert pour sommeiller,
Arrondi sous son cou, lui servait d’oreiller ;
L’autre, suivant des flancs l’onduleuse courbure,
Replié de lui-même autour de la ceinture,
Plongeait sa blanche main et ses doigts effilés
Dans des restes de fleurs sous son doux poids foulés,
Comme si dans un rêve elle froissait encore
Les débris de ses jeux sur leur tige inodore.
Ses cheveux, qu’entr’ouvrait le vent léger du soir,
Ondoyaient sur ses bras comme un grand voile noir,
Laissant briller dehors ou ses épaules blanches,
Ou la rondeur du sein, ou les contours des hanches,
Et l’ovale arrondi de ce front d’où les yeux
N’auraient pu s’arracher pour regarder les cieux ;
Entre ces noirs cheveux rejetés en arrière,
Ce front resplendissait d’albâtre et de lumière,
Jusqu’aux soyeux duvets où s’arquaient les sourcils.
Ces yeux étaient fermés par l’ombre de longs cils,
Mais le tissu veiné de ces paupières closes
Se teignait transparent de pâles teintes roses.
De l’arche des sourcils, qu’à peine il débordait,
Le profil de son nez sans courbe descendait ;
Comme un pli gracieux de rose purpurine,
Une ombre y dessinait l’aile de sa narine,
Qui, suivant de son sein le pur souffle dormant,
Palpitait, s’élevait d’un léger renflement ;
Et ses lèvres, qu’entr’ouvre une suave haleine,
Laissaient compter des dents qui débordaient à peine,