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De ces langues sans mots, depuis sa décadence,
Lui seul avait perdu la haute intelligence,
Et l’insensé déjà croyait, comme aujourd’hui,
Que l’âme commençait et finissait en lui ;
Comme si du Très-Haut la largesse infinie
Épargnait la pensée en prodiguant la vie !
Et comme si la vie avait un autre emploi,
Père, que de t’entendre et de parler à toi !
Mais bien qu’aux hommes sourds ces voix de la nature
Ne parussent qu’un vague et stupide murmure,
Les anges répandus dans l’éther de la nuit
D’une impalpable oreille en aspiraient le bruit ;
Car du monde réel à leur monde invisible
L’échelle continue était plus accessible ;
Aucun des échelons de l’être ne manquait,
Avec la terre encor le ciel communiquait ;
Des esprits et des corps l’indécise frontière
N’élevait pas entre eux d’aussi forte barrière.
L’homme entendait l’esprit ; l’être immatériel,
Habitant l’infini que l’homme appelle ciel,
Uni par sympathie à quelque créature,
Pouvait changer parfois de forme et de nature,
Et, dans une autre sphère introduit à son gré,
Pour parler aux mortels descendre d’un degré.
Bien plus, de ces amours des vierges et des anges
Il naissait quelquefois des natures étranges ;
Hommes plus grands que l’homme et dieux moins grands que Dieu,
De la brute à l’archange occupant le milieu ;
Monstres que condamnait leur nature adultère
À regretter le ciel en agitant la terre.