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Il courut au hasard jusqu’au bout de sa laisse,
Tant que ses nerfs tendus trompèrent sa faiblesse.
Ces pas pressés, ce poids, ce fougueux mouvement,
De ses maux à son âme ôtaient le sentiment.
Quand son pied s’arrêta, ses forces succombèrent ;
Sur lui, de tout leur poids, ses fardeaux retombèrent ;
Daïdha, de son sein, sur le sable glissa ;
Ses enfants sur son cœur, lui-même il s’affaissa.
Précurseur de la mort, dont il était l’image,
Le sommeil sur ses yeux répandit son mirage,
Et, de songes trompeurs abusant sa raison,
De ruisseaux et de lacs inonda l’horizon.

Quand il se réveilla de cette léthargie,
Le matin à ses sens rendait quelque énergie ;
La nature lutta, plus forte que la mort ;
Son œil crut du désert apercevoir le bord :
« Oh ! lève-toi, dit-il, si ton cœur bat encore ;
Je vois des hauts palmiers tout noyés dans l’aurore !
Les anges du Seigneur ont eu pitié de toi.
— Me lever ! me lever ! dit la mère, et pourquoi !
Tu voudrais, du désert m’infligeant le supplice,
Faire mourir de soif mes enfants sur sa lice ?
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Oh ! non, non, à mes bras le ciel les a rendus !
Par ce cœur à jamais ils y sont défendus.
Vois comme ils sont heureux aux bords garnis de mousses,
Où leurs petites mains puisent des eaux si douces !