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Et, des sommets ombreux de leurs cimes voilées,
Voir leur neige écumer dans la nuit de vallées.

De ces illusions leur cœur se nourrissait ;
Sur leurs pas ralentis la nuit s’épaississait.
Dans le creux d’un vallon de ces trompeuses pentes
Où les rideaux des nuits furent leurs seules tentes,
Les époux épuisés s’arrêtèrent enfin :
Ils choisirent pour place un lit de sable fin.
Après avoir tiré le lait de sa mamelle,
ils remirent en garde à Stagyr la chamelle.
Ils mangèrent des fruits cueillis pour le chemin ;
Se passèrent après l’outre de main en main ;
Et, rendant grâce à Dieu de ces sobres délices,
Sc couchèrent en paix aux flancs des précipices.
Stagyr de quelques pas s’était éloigné d’eux.
Après tant de misère ils étaient là tous deux.
Ils entendaient dormir les deux fruits de leur couche,
Un vent frais sur le front et du lait sur la bouche ;
Le cœur contre le cœur et la main dans la main,
Leur espoir se portait sur un long lendemain ;
Ils avaient retrouvé le ciel dans leur présence.

Il est dans les repos de l’humaine existence
De célestes moments, moments, hélas ! trop courts,
Où dans le cœur trop plein le sang suspend son cours,
Où des afflictions que le présent soulève
Sur l’esprit dilaté le poids n’est plus qu’un rêve,