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Le doute et la terreur reposaient sur ces cimes.
A l’effrayant aspect de ces mouvants abîmes,
Cédar et Daïdha, l’un sur l’autre appuyés,
Sentirent tous leurs nerfs se crisper dans leurs piés ;
Refusant d’avancer, d’un geste involontaire,
Leurs orteils contractés s’attachaient à la terre ;
Mais, se tournant vers eux, Stagyr dit : « Le voilà !
Des hommes et de Dieu la terre est au delà ! »

Sous l’haleine de feu que le désert apporte,
Sur la terre déjà toute vie était morte.
Ils ne voyaient au loin que des troncs calcinés,
Sous le poids du simoun et du sable inclinés :
Semblables à ces mâts, grands débris des naufrages,
Qu’en ses jours de courroux la mer jette aux rivages,
Et qui dressent de loin, à l’œil des matelots,
Leurs cadavres penchés et souillés par les flots.
Ainsi, sur les confins de la terre vivante,
Le désert dépliait son écume mouvante ;
Et le sable en bouillons débordait de son lit.
Comme une eau sur le feu qui bout et rejaillit.

Rassurés par la voix de l’homme qui les guide,
Les époux, abordant cette arène torride,
Comme un esquif se lance aux flots des océans,
Confièrent leurs pas à des sables béants.
Les ondulations des premières collines
Leur cachèrent bientôt les campagnes voisines.