Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Glissa le long du mur, et d’un pas indécis
S’avança vers Cédar sous le grand arbre assis.
Tombant à ses genoux et simulant la crainte,
Il lui pressait les pieds d’une muette étreinte ;
Sa voix cherchait des mots et ne pouvait parler,
Sa pensée en suspens semblait aussi trembler.
Comme un coupable enfin que son juge rassure
Et sur les mots pesés composant sa figure :
« O divin étranger, envoyé par le ciel
Pour délivrer la terre et punir Asrafiel,
De quelque nom caché que Jéhovah te nomme,
Puissante main d’en haut qui vient relever l’homme !
L’homme qu’elle relève est indigne de toi.
A leurs iniquités, ô juste ! arrache-moi.
Tu vois devant tes yeux une de leurs victimes,
Respirant l’air impur qu’ils infectent de crimes,
Buvant l’iniquité tout en la détestant,
Et de leur échapper guettant toujours l’instant.
Du sommet de la tour où cette race impie,
Comme l’aigle blessé, de son aire t’épie,
Je t’ai vu tout à l’heure à ces hommes ingrats
Ravir tes ennemis protégés par ton bras ;
J’ai reconnu ma race à ta vertu sublime,
J’ai mis ma confiance en ton cœur magnanime ;
Et du haut des remparts glissant inaperçu,
Comme l’ombre de Dieu ton ombre m’a reçu.
Sauve-moi, choisis-moi de cette race infâme
Que ma tribu déteste et que vomit mon âme !
Mon nom n’est pas leur nom, mon Dieu n’est pas le leur ;
Jeune, ils m’ont pris au piège, ainsi que l’oiseleur.