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De ces foyers vengeurs les feux semblaient vivants.
Les siècles en un jour rendent leur cendre au vent.
L’œuvre d’impiété des âges consumée,
Éteinte en un clin d’œil, se balaye en fumée.
L’ange de la justice et de la liberté,
Sur ses ailes de feu par les flammes porté,
Tel qu’un pasteur qui brûle une ruche d’abeilles,
Avec l’iniquité consume ses merveilles.

Aux sinistres éclairs des bûchers dévorants,
Aux bouillons de la lave, aux clameurs des mourants,
On voit courir le peuple, ivre d’horrible joie,
Repousser dans la flamme ou disputer sa proie,
Battre des mains aux feux, encourager les vents,
Jeter sur les charbons des esclaves vivants,
Assouvir de ses sens les vengeances brutales,
Du crime et de la mort mener les saturnales,
Et, d’agneaux égorgés devenus égorgeurs,
Surpasser les forfaits dont ils sont les vengeurs !

Cédar, encor souillé de sang et de fumée,
Relevant Daïdha par sa voix ranimée,
Emportait loin du feu, sur ses bras triomphants,
Pressés contre son cœur, sa femme et ses enfants.
Ne pouvant s’arracher à leur tremblante étreinte,
Il s’assit à l’écart au pied d’un térébinthe,
Dont sur un grand bassin les immenses rameaux,
Par leurs feuilles courbés, se baignaient dans les eaux.