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L’autre moitié, fuyant le fer levé sur elle,
Avait, par des détours, gagné la citadelle ;
Tour qui montait au ciel, et dont les murs de roc,
Dressés en précipice et ne formant qu’un bloc,
Défiant des béliers la poutre la plus forte,
Recevaient l’air du ciel et n’avaient qu’une porte.
Pendant que leur vainqueur s’enivrait du succès,
De cette tour d’airain gardant l’unique accès,
Les dieux, réfugiés dans cet antre de pierre,
En refermant la porte, avaient roulé derrière
Trois fragments de granit dont la masse et le poids
Auraient épouvanté mille hommes d’autrefois,
Et que de la colline leur masse soudée
Trente siècles n’ont pu déplacer en idée !
Ce reste de tyrans couverts par ses remparts
Du faîte des créneaux plonge en bas ses regards.
Le peuple, dont la rage à leur aspect s’allume,
Contre les murs se brise en impuissante écume :
Sa fureur, qui ne peut si haut les assaillir,
Sur les corps mutilés des morts vient rejaillir ;
L’incendie au palais s’attache en longues lames ;
Le vent souffle engouffré dans des courants de flammes ;
Sous des vagues de feu le ciel semble ondoyer ;
Tout roule et s’engloutit dans ce large foyer.
Il calcine la pierre, il effeuille le marbre ;
La colonne s’allume ainsi que le tronc d’arbre,
Et, comme des rameaux sur les herbes fumants,
Sème du haut des airs ses grands entablements.
On dirait qu’un volcan allumé de lui-même
Dévore avec le sol ces temples du blasphème.