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« Non, tu les frapperas ! je le vois dans ton rire !
Monstre ! l’amour y raille et l’enfer y respire !
Mais viens, tyran ! bourreaux, meurtriers, venez tous
Ma seule arme de mère est plus forte que vous.
Essayez d’arracher du sein qui vous défie
Ce couple que j’y rentre et que j’y pétrifie !
Vous briserez plutôt ces lourds câbles de fer
Que ce nœud de mes bras qui va les étouffer !
Vous ne les atteindrez qu’en perçant mes entrailles !
Mon sang, avec le leur, rougira vos murailles ;
Et ce monstre obtiendra, pour prix de ses forfaits,
Trois cadavres jetés à ses pieds satisfaits !…
— Bourreaux ! dit Asrafiel frémissant de colère,
Ouvrez, sans les briser, ces tendres bras de mère ;
Prenez ces fruits séchés avant que d’être mûrs,
Et broyez à ses yeux leurs têtes sur les murs ! »

Deux bourreaux, à ces mots, d’une invincible étreinte,
Déplièrent ses bras qu’entrelaçait la crainte,
Et, de ses vains efforts sans peine triomphants,
Écartèrent la mère et prirent les enfants.
Chacun en saisit un comme un boucher sa proie,
Et lui lia les pieds d’une rude courroie.
Tel qu’un bloc qu’en tournant la fronde va lancer,
Chacun vers sa colonne on les vit s’avancer.
Déjà les airs sifflaient sous le vent des deux crânes,
Déjà le mur rasait leurs cheveux diaphanes :
Un pas de plus, leurs fronts éclataient en débris !
Le plus beau des jumeaux jette deux faibles cris ;