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Reviens à moi, dit-il, charmante enfant, reviens !
Ton pied léger, vois-tu, traîne encor tes liens ;
De quoi te serviraient la colère et la fuite ?
Plus vite sous ma main tu reviendrais réduite.
Mais pourquoi t’enfuis-tu ? viens ; tu ne sais donc pas
Que c’est un dieu dont l’œil admire tes appas ?
Qu’il veut, n’offrant qu’à toi sa tendresse jalouse,
D’esclave, sur son cœur te proclamer épouse ?
Oh ! viens, folle beauté, sur le cœur d’Asrafiel,
De bonheurs inconnus étonner jusqu’au ciel !… »

Il se tut, et tendant les bras vers la rebelle,
Attendit un instant qu’elle y tombât… Mais elle,
D’une voix dont la honte et l’indignation
Relevaient tout à coup la molle inflexion :
« Dieu seul est Dieu, dit-elle, et le ciel de mon âme,
C’est le cœur de celui dont il m’a faite femme !
Cédar, mon saint amour ! Cédar, mon seul époux !
Un cachot avec lui plus qu’un trône avec vous !
De vos pieds tout-puissants que de mes pleurs je lave,
Frappez, rejetez-moi ; faites-moi votre esclave ;
Mais rendez-moi Cédar, Cédar, mon seul amour,
Et mes petits enfants dont les yeux sont mon jour !
J’embaumerai vos pieds d’éternelles caresses,
Et vous serez un dieu du moins pour mes tendresses… »

Comme si cette bouche eût blasphémé le ciel,
Un murmure d’horreur la couvrit. Asrafiel,