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Les hymnes effrénés, les sons des instruments,
Y couvraient de la mort les derniers râlements.
Des danseuses, nouant leurs trames fugitives,
Secouaient des flambeaux sur le front des convives ;
La sueur, la fumée, obscurcissaient le ciel :
Cette atmosphère immonde était l’air d’Asrafiel ;
On eût dit qu’effrayé du jour qui devait suivre,
Des cinq sens à la fois il se hâtait de vivre.
Par ces hideux tableaux ses esprits excités
Trouvaient un nouveau sel à ses atrocités.

Les yeux de Daïdha brûlaient de loin son âme ;
L’empire n’était rien pour lui sans cette femme :
Tous ses forfaits n’étaient que des forfaits ingrats,
S’ils ne lui jetaient pas ce rêve entre les bras !
Il voulait, réservant pour lui ce prix céleste,
Être un époux pour elle, être un dieu pour le reste,
Et, lui donnant aussi sa part de royauté,
Faire de sa conquête une divinité.
Ces lieux étaient la scène et cette heure était l’heure.
Conduite de la nuit de sa morne demeure
À ce jour que lançaient les torches dans les cieux,
Daïdha, rougissante, était devant ses yeux.

Ses regards, étonnés par l’éclat de la flamme,
Dans l’éblouissement laissaient nager son âme ;
Pour abriter son corps contre cette splendeur,
Ses vêtements serrés couvraient mal sa pudeur.