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Un million de bras s’étendit à la fois,
La liberté jaillit d’un million de voix !
Et l’esprit du Seigneur, qui souffle ces tempêtes,
Ondoya comme un vent sur cette mer de têtes.

Cédar, dont la colère à leurs yeux avait lui,
Sentit monter l’esprit de tout ce peuple en lui :
« Vile chair descendue à la bête de somme,
Lève ton front, dit-il, et redeviens un homme !
Sous les pieds de vos rois, peuples, remuez-vous !
Et dans leur propre audace engloutissez-les tous !
Secouez sur vos cous, ô lions ! vos crinières,
Comme moi ces cheveux, qui seront vos bannières.
C’est le vivant drapeau qu’eux-mêmes nous ont fait,
Leur dernière infamie et leur dernier forfait !
Contre leurs fronts maudits que toute main se lève !
Chacun de ces cheveux va s’aiguiser en glaive !
Les voila tout souillés, privés de leur pudeur,
Comme vous de vos droits et de votre grandeur !
Ainsi que je rapporte à son front sa dépouille,
Rendez ses droits sacrés à votre âme qu’on souille.
Pour vous paraître grands, ils courbent vos genoux ;
Ils ont jeté leur ombre entre le ciel et vous !
Effaçant dans vos cœurs la foi de vos ancêtres
Ils en ont chassé Dieu pour en rester les maîtres !
Mais nommez avec moi le nom du Dieu vivant ;
Ils seront la poussière et vous serez le vent !…
Contre l’humanité leur règne est un blasphème ;
Venger l’homme avili, c’est venger Dieu lui-même !